Mis à jour le 16 février 2024 par Samy
Le « ghosting », contraction des mots anglais « ghost » (fantôme) et « to ghost » (disparaître), désigne la rupture unilatérale et sans explication d’une relation amoureuse ou amicale. la personne « fantôme » cesse brutalement tout contact, sans donner de raison ni fermer la porte de manière formelle.
Ce phénomène relationnel, facilité par internet et les réseaux sociaux, est devenu monnaie courante ces dernières années, notamment chez les jeunes. Selon une étude IFOP de 2021, 46% des 18-30 ans déclarent avoir déjà été victimes de ghosting.
Subir un tel abandon affectif est une expérience traumatisante qui peut laisser des séquelles psychologiques importantes. Comment comprendre les ressorts du ghosting ? Comment guérir de cette rupture sans closure ? Quelles leçons en tirer pour l’avenir ?
Comprendre le ghosting
Définition et chiffres clés
Le « ghosting » désigne le fait pour un membre d’un couple (amoureux ou amical) de rompre brutalement le contact sans explication, à l’instar d’un « fantôme » qui disparaîtrait. Concrètement, la personne cesse de donner signe de vie du jour au lendemain : elle ne répond plus aux appels, aux messages, aux sollicitations sur les réseaux sociaux.
Selon une étude menée en 2021 auprès de 1500 Français âgés de 18 à 30 ans :
- 46% déclarent avoir déjà été « ghostés »
- 21% auraient déjà pratiqué le ghosting sur quelqu’un
- 69% considèrent cette pratique comme égoïste
Cette enquête met en lumière la banalisation de ce phénomène relationnel, notamment chez les jeunes adultes. Près d’un jeune sur deux en a déjà fait les frais. Le ghosting estmême devenu le mode de rupture préféré des 18-25 ans, devant la classique explication en face-à-face.
Les causes du ghosting
Plusieurs facteurs expliquent l’essor de cette tendance :
- Internet et les réseaux sociaux : les nouveaux modes de communication numérique facilitent la disparition sans laisser de traces. Il suffit de bloquer le contact sur son téléphone et ses réseaux sociaux pour couper complètement les ponts, sans confrontation physique.
- La peur du conflit : certaines personnes n’osent pas annoncer franchement la rupture de peur de blesser ou de devoir gérer la détresse de l’autre. Le ghosting leur permet de fuir cette situation délicate.
- L’individualisme de notre époque pousse à privilégier son confort personnel au détriment des sentiments d’autrui. Certains adoptent ce comportement égoïste et lâche par pure commodité.
- Le manque de maturité affective, notamment chez les plus jeunes, fait qu’on ne sait pas toujours comment rompre « proprement ». Le ghosting devient alors une porte de sortie facilepour échapper à ses responsabilités.
Ces facteurs conjugués ont fait émerger une nouvelle norme relationnelle, où la rupture-ghosting tend à remplacer la rupture franche et respectueuse.
Les conséquences psychologiques du ghosting
Un traumatisme aux effets durables
Etre victime de ghosting – être « ghosté » dans le langage courant – est une expérience douloureuse qui laisse souvent des séquelles psychologiques importantes.
Le choc de l’abandon
La disparition soudaine et inexpliquée de l’être aimé plonge dans une profonde incompréhension, et génère un sentiment d’abandon traumatique. On se demande ce qu’on a fait ou dit de mal, pourquoi l’autre est parti sans rien dire, si cette relation a jamais compté à ses yeux.
Cette absence de réponses empêche de faire son deuil et de tourner la page, car aucune raison logique ne vient étayer la fin de l’histoire. Impossible dans ces conditions d’obtenir un « closure », cette fermeture psychologique salvatrice.
Atteinte à l’estime de soi
Le fait de disparaître sans explication renvoie un sentiment de dévalorisation : on n’est pas assez important aux yeux de l’autre pour mériter ne serait-ce qu’un message de rupture. Cette indifférence affecte l’image de soi et la confiance en soi, d’autant plus que le ghosteur attribue souvent des défauts imaginaires à sa victime pour justifier son acte (« il/elle était collant(e) », « faux/fausse » ,etc).
Méfiance et peur de s’engager
L’expérience malheureuse du ghosting brise la capacité à faire confiance et rend méfiant vis-à-vis de futurs partenaires. On cherche à se protéger en évitant de s’engager à nouveau pleinement. Ce qui n’est pas sans danger pour la suite de sa vie amoureuse.
Témoignages de victimes
Nous avons interrogé trois personnes victimes de ghosting par le passé. Voici leurs témoignages :
Sandra, 34 ans
« J’étais avec Martin depuis 6 mois, nous venions de partir en vacances aux Baléares ensemble ettout se passait merveilleusement bien entre nous. Du jour au lendemain, il a cessé de me répondre sans raison. Plus de nouvelles pendant des semaines ! J’étais folle d’inquiétude, je lui ai laissé des centaines de messages… J’ai fini par comprendre qu’il m’avait tout bonnement ghostée. Ça a été horrible à encaisser, je me demandais ce que j’avais fait de travers. J’ai mis près d’un an à m’en remettre complètement. Aujourd’hui, j’ai toujours du mal à accorder ma confiance à 100% quand je rencontre quelqu’un, cette peur qu’il disparaisse brusquement… »
Thomas, 29 ans
« Ma meilleure amie de fac, avec qui je sortais tout le temps, a commencé à ne plus me répondre du jour au lendemain. Plus moyen de la joindre. Au bout de 6 mois, elle a refait surface sur Facebook pour me dire qu’elle était désolée, qu’elle avait traversé une passe difficile et qu’elle avait coupé contact avec beaucoup de monde. Évidemment je lui ai pardonné, mais notre amitié n’a plus jamais été la même par la suite. Sa disparition m’avait trop affecté. J’ai mis des années à lui faire à nouveau confiance. »
Léa, 25 ans
« J’échangeais depuis 2 mois avec un garçon rencontré via Tinder. Rien de sérieux au début, mais petit à petit, des sentiments se sont installés entre nous, du moins c’est ce que je croyais… Un beau jour, il a cessé de répondre à mes messages et m’a bloquée de tous les réseaux. Ça m’a fait un choc, je ne comprenais pas… Ça m’a foutu un coup au moral pendant des semaines. Avec le recul, je pense qu’il ne cherchait qu’une histoire sans lendemain depuis le début. C’était plus simple pour lui de disparaître que d’assumer. Mais cette façon de faire est lâche et irrespectueuse. »
Ces récits poignants montrent que le ghosting est vécu comme une véritable violation de l’intimité affective, dont on ne se remet pas indemne. Méfiance, troubles de l’estime de soi ou difficultés à refaire confiance à un partenaire : cette forme de rupture laisse des stigmates.
Que faire lorsqu’on est victime de ghosting ?
Les erreurs à ne pas commettre
Vous venez d’être victime de ghosting de la part de votre partenaire ou d’un(e) ami(e) proche. Quelle doit être votre réaction ? Voici quelques erreurs fréquentes à éviter :
- Harceler la personne de messages : même si l’envie est grande d’obtenir une explication, insister de manière excessive peut être mal interprété et vous faire passer pour un harceleur. Inutile également de supplier l’autre de revenir : s’il/elle a choisi de vous ghoster, c’est que votre histoire était déjà terminée dans sa tête.
- Ruminer en cherchant ce que vous avez fait de mal : se torturer à trouver une raison à cet abandon ne fera que miner votre estime personnelle. Rappelez-vous que le ghosteur a souvent une vision faussée de vous. Ne cherchez pas à comprendre l’incompréhensible !
- Reporter la faute sur vous-même : le ghosting est avant tout un problème de maturité et de compassion chez la personne qui l’inflige. Son geste n’est en rien une mesure de votre valeur personnelle. Vous ne méritez pas un tel traitement.
- Verser dans la vengeance : diffuser des informations compromettantes sur l’autre ou ghoster à votre tour ses amis par représailles pourrait soulager sur le coup, mais cela ne vous rendra pas service. Ce genre de comportement toxique ne fait qu’entretenir le cercle vicieux.
Les bons réflexes pour surmonter l’épreuve
Bien que difficile, il vous faudra tôt ou tard accepter la situation et penser à vous reconstruire. Voici quelques conseils pour traverser cette période délicate :
Prendre soin de soi
De saines habitudes de vie sont essentielles quand on encaisse un choc émotionnel. Pratiquez une activité physique qui libère les tensions, accordez-vous des petits plaisirs (lecture, cinéma, soirée entre amis), évitez de ruminer seul(e) chez vous.
Parler à des proches
Confiez-vous à des membres de votre entourage qui sauront vous réconforter, vous distraire et revaloriser votre estime. Évitez néanmoins d’assaillir vos amis de plaintes : ils ne peuvent pas porter votre fardeau émotionnel indéfiniment.
Tenir un journal
Coucher vos sentiments par écrit peut aider à y voir plus clair et à prendre de la distance. Déverser votre rancoeur dans un journal intime non destiné à l’autre vous soulagera. Brûler ou déchirer ces pages une fois apaisé(e) peut même avoir un effet libérateur.
Occupez-vous l’esprit
Lancer un nouveau projet (apprendre une langue, prendre un cours de cuisine…), cultiver de nouvelles rencontres, partir en voyages : autant d’activités positives pour penser à autre chose et ces bons réflexes sont essentiels pour vous reconstruire. Mais le meilleur remède restera le temps, qui atténuera peu à peu vos blessures.
Pourquoi certains en arrivent-ils à ghoster ?
L’étude du Dr Wu sur les serials ghosters
Le Dr Killian Wu, chercheur en psychologie aux Etats-Unis, a mené en 2023 une étude qualitative auprès de 34 « serials ghosters ». Il leur a demandé quelles étaient leurs motivations pour disparaître ainsi de la vie d’un partenaire.
Voici les principaux enseignements de ses entretiens :
- La plupart ont une raison précise qu’ils estiment légitime (désintérêt sentimental, dispute, valeurs incompatibles…)
- Ils veulent éviter la confrontation déplaisante d’une explication en face-à-face
- Certains recherchent des relations superficielles, le ghosting leur permet de « papillonner » plus facilement
- Ils attribuent souvent à leur victime des défauts imaginaires (« trop collant », « ennuyeux »…) qui justifient à leurs yeux de disparaître
- Ils ont conscience de faire souffrir l’autre mais estiment que « la fin justifie les moyens »
- Ils éprouvent des sentiments mitigés sur leur acte : soulagement, culpabilité, regret…
Cette analyse sans concessions lève le voile sur la psychologie des « ghosters ». Lâcheté, égoïsme, immaturité : s’ils ont des motifs précis de rupture, leur incapacité à les exprimer en face ou à assumer vis-à-vis de l’autre dénote une carence affective manifeste.
L’éclairage de la psy Marie-Estelle
Marie-Estelle, psychologue, nous livre son éclairage d’experte sur les ressorts psychiques du ghosting :
Ce phénomène traduit soit de l’insensibilité chez des personnalités narcissiques ; soit plus souvent une difficulté à gérer l’intimité naissance d’une nouvelle relation. Par peur de l’engagement, ou impression d’étouffement, certains préfèrent fuir plutôt que d’apprendre à verbaliser leurs limites et leurs sentiments.
Couper court en « fantômisant » l’autre semble plus simple que de risquer un dialogue sincère. Mais ce comportement lâche s’avère préjudiciable.